L’ergonomie à elle seule est-elle un outil déterminant pour réduire l’impact des troubles musculosquelettiques au travail ? Ça serait trop simple, non ? 😉
La prévention des TMS touche tous les secteurs d’activités, des cadres dirigeants aux ouvriers. Elle est devenue un enjeu majeur pour les employeurs, confrontés aux coûts humains et financiers liés aux troubles musculo-squelettiques.
Pour les éviter, l’ergonomie est souvent présentée comme le service clé pour réduire les risques de TMS. Elle analyse et propose de nouvelles manières d’adapter les postes de travail aux besoins physiques des salariés. Pourtant, les informations disponibles sur le sujet montrent une diversité de la science ergonomique avec des dimensions cognitives et organisationnelles. Peut-on se contenter d’une approche ergonomique centrée sur l’aménagement de l’espace de travail ? Comment lui laisser la place qu’elle mérite et comment élargir son approche préventive à d’autres disciplines ?
On explore dans cet article dans quelle mesure l’ergonomie contribue à une meilleure santé au travail, mais aussi comment répondre efficacement aux défis posés par les TMS.
L’impact conséquent des TMS dans le milieu professionnel
Les troubles musculo-squelettiques (TMS), c’est quoi ?
Les Troubles Musculo-Squelettiques, connus sous l’acronyme TMS, désignent un ensemble de pathologies directement liées à une sollicitation excessive du corps.
Muscles, articulations, ligaments, mais encore systèmes nerveux et vasculaire sont susceptibles d’être touchés. On parle donc tout autant de TMS devant un syndrome du canal carpien que face à une lombalgie.
Et quand on sait que 87 % des maladies professionnelles sont des troubles musculo-squelettiques, on comprend l’importance pour un chef d’entreprise de s’intéresser à la question.
Les facteurs de risque des TMS au travail
Mais qu’est-ce qui provoque ces pathologies ?
Une multitude de facteurs existent, et au moins autant que de TMS différents.
Pour s’y retrouver, on les regroupe en 5 grandes familles de facteurs dont 1 famille concerne des causes intrinsèques : les facteurs individuels. Dans ces critères propres à chaque personne, on trouve l’âge, le sexe, l’expérience de vie, les caractéristiques physiques et psychosociales, les valeurs, etc.
Les 4 autres familles de facteurs sont extrinsèques, c’est-à-dire ceux extérieurs à la personne salariée. On y intègre :
– les causes biomécaniques, liées à une inadéquation entre la biomécanique du corps et celle nécessaire à l’exécution de la tâche ;
– les sources environnementales, en lien avec l’aménagement des espaces de travail ;
– les raisons psychosociales, induites par exemple par le management ou le degré d’autonomie des agents ;
– les origines organisationnelles, influencées, entre autres, par les rythmes de travail, les flux et les processus.
Autant de fronts à couvrir pour une prévention des TMS durable et efficace.
Les conséquences pour l’entreprise et les travailleurs
2 milliards d’euros, c’est le coût des TMS estimé par l’Assurance Maladie en 2017 pour les entreprises françaises. Ce chiffre considérable traduit l’importance d’agir sur la prévention TMS pour les entreprises.
Au-delà des pertes financières pour les sociétés et pour la Sécurité Sociale, les conséquences pour le salarié sont tout aussi inquiétantes. 45% des TMS entraînent des séquelles lourdes qui conduisent parfois à une désinsertion professionnelle.
Et quand ça ne va pas jusque-là, la démotivation peut se faire sentir et augmenter le turn-over des effectifs.
Bref, l’impact des TMS dans les entreprises est un sujet important et l’une des erreurs pour une entreprise, c’est de croire qu’on ne peut rien y faire 😱
La prévention des TMS sous l’angle de l’ergonomie
L’ergonomie, qu’est-ce que ça signifie ?
En très bref, l’ergonomie, c’est l’ensemble des sciences de la relation entre les humains et leurs milieux de travail.
Dans le détail, on distingue trois dimensions ergonomiques au bureau :
-
l’ergonomie physique de l’activité humaine ;
-
l’ergonomie cognitive avec les processus mentaux à l’œuvre dans cette activité humaine au travail ;
-
l’ergonomie de l’organisation qui vise à optimiser les systèmes autour de la personne salariée à son poste.
La première concerne surtout l’anatomie, la physiologie et la biomécanique du sujet. Dans le quotidien, ça se traduit par : la posture de travail du salarié, sa manipulation d’objets et ses mouvements ou gestes répétés.
La deuxième inclut la perception, la mémorisation, le raisonnement et la réponse motrice. Concrètement, cette dimension ergonomique traite de la prise de décision, de la charge mentale, de la performance, du stress professionnel et de la formation au poste.
La troisième dimension touche la structure de l’organisation professionnelle, sa politique et les processus. Autour de l’emploi, on parle de ce qui gravite au-delà de la relation tâche – sujet. Ainsi, la communication, la gestion RH, les horaires, le travail en équipe ou encore le management influencent cette ergonomie organisationnelle.
La démarche ergonomique en prévention des TMS
Le principe d’une démarche ergonomique est de placer la relation de la personne à ses situations de travail au cœur du système.
D’ailleurs, on aime la façon dont Nicole Vézina (universitaire spécialiste de l’ergonomie) modélise cette relation, dans un compte-rendu du congrès SELF-ACE 2001 sur les transformations du travail et les enjeux pour l’ergonomie¹. Ça donne ce modèle :
Dans ce système, l’absence ou la défaillance du processus de régulation décrit ici conduit à une ouverture possible sur les TMS.
Bref, on comprend bien le lien étroit entre l’ergonome et les TMS, mais en pratique ça donne quoi ?
La démarche ergonomique vise l’amélioration de la santé et du confort de l’agent·e, dans un souci de performance et de sécurité.
Elle fait donc partie intégrante du champ de la prévention des TMS dont les 9 piliers sont :
-
l’évitement des risques ;
-
l’évaluation des caractéristiques de l’organisation ;
-
la recherche des causes des troubles musculo-squelettiques ;
-
l’adaptation ergonomique du poste de travail ;
-
la prise en compte des progrès techniques et technologiques ;
-
la sécurisation du travail ;
-
l’instauration d’une prévention TMS durable ;
-
la priorisation des mesures de protection collective ;
-
la transmission d’instructions explicites.
Adapter l’environnement de travail pour prévenir, ça suffit ?
Clairement, non. Se limiter à l’adaptation de l’environnement de travail pour prévenir les TMS ne suffit pas.
Pourtant, on parle de risques ergonomiques dès lors que les conditions physiques de réalisation de la tâche sont susceptibles d’entraîner des lésions et TMS. Les plus fréquents sont :
– l’exécution d’un ensemble de mouvements pendant un temps prolongé, comme le travail à la chaîne ;
– les positions contraignantes, car maintenues trop longtemps de manière statique, comme le travail debout ;
– les tâches qui requièrent un effort important et contraignant, comme la manutention de patients pour le personnel de santé ;
– l’exposition répétée aux vibrations.
Ces risques se limitent souvent par des mesures visant à améliorer la conception des postes, à créer des environnements agréables en matière de lumière, température et niveau sonore.
Les aspects de l’ergonomie évoqués dans ces risques ergonomiques fréquents concernent surtout la posture, l’environnement et les équipements. Pourtant, en théorie, la pratique de l‘ergonomie s’intéresse à des dimensions plus larges.
On peut supposer que les entreprises s’attardent plus à des dimensions matérielles au départ, car plus elles sont visibles et peut-être plus mesurables. Heureusement, les sociétés vont de plus en plus loin sur le sujet. Elles proposent dorénavant des changements de rythme, des pauses actives ou d’autres aspects relatifs aux dimensions organisationnelle et cognitive.
Et comme le dit Nicole Vézina dans ses travaux sur la pratique de l’ergonomie face aux TMS : « La nécessité de l’interdisciplinarité est discutée du point de vue de l’augmentation des connaissances sur les TMS comme du point de vue de l’amélioration de l’efficacité des interventions. »
Dedans, elle souligne bien l’importance de la connaissance interdisciplinaire pour mieux appréhender les TMS. Le but est de trouver ensuite les objectifs SMART d’une prévention TMS efficace en entreprise.
Les étapes clés d’une prévention efficace des troubles musculo-squelettiques
La réalisation d’un diagnostic ergonomique, mais pas que
Pour trouver le parfait équilibre préventif, l’étape du diagnostic est incontournable. Cette enquête globale doit vous permettre de repérer les situations dites à risque. Une fois détectées, vous trouverez plus facilement leurs origines et vous pourrez alors envisager des pistes de solutions.
L’implication de tous les travailleurs dans la démarche
Ce travail de détective ne se réalise pas en solitaire.
Pour trouver une action préventive qui convient à vos équipes, il faut les mettre à contribution. La récolte des données est collective pendant votre phase de diagnostic. Elle doit être réalisée auprès de tous les échelons de votre organisation.
Modification de l’aménagement des bureaux, changement des rythmes de travail, sensibilisation et formation des salariés, démarche QVCT, tout est possible à condition que ça réponde vraiment à la problématique identifiée.
Rappelez-vous : au plus la démarche est partagée, au plus elle répond aux vraies attentes de vos équipes, et au plus elle est efficace 💡
L’implémentation concrète des postes
Pour juger l’implémentation de vos actions, il vous faut des indicateurs. Vous devez donc évaluer et prévoir cette étape dès la conception du plan d’action.
Comment allez-vous mesurer concrètement l’impact de vos mesures préventives sur vos salariés ?
Quand on parle d’indicateurs concrets, on parle d’un nombre (d’accidents, d’arrêts maladie…) ou d’un taux (du turn-over, d’absentéisme…). On oublie les simples ressentis et les suppositions 😉
Pour que votre démarche de prévention TMS dure dans le temps, l’évaluation est indispensable pour la réguler.
Bonus : la personnalisation pour aller vers une prévention holistique
Et pourquoi pas tenter une approche préventive innovante et personnalisée à chaque personne salariée ?
Vous pourriez, par exemple, creuser la question de l’adaptation de la prévention au rythme biologique. L’intérêt ? Tenir compte des rythmes journaliers de chaque individu pour limiter l’exposition aux risques de TMS.
On sait que les rythmes circadiens et la chronobiologie des TMS sont étroitement liés. Ces rythmes biologiques (sommeil, digestion, énergie) influencent la sensibilité aux TMS.
Une revue d’étude de 2023² creuse le sujet. Elle explique que de nombreux troubles du système musculo-squelettique sont liés à des facteurs inflammatoires, provoquant des sensations de douleur.
Or, l’horloge du système musculo-squelettique est dépendante à la lumière, mais aussi à la régulation quotidienne du dosage alimentation – activités physiques.
Dans un muscle squelettique se trouvent environ 1600 gènes circadiens qui régulent son horloge interne. Cette dernière joue un rôle essentiel dans le métabolisme des lipides et du glucose.
Bref, retenez que le “bon” rythme circadien favorise un corps et un développement cérébral sains, en plus de renforcer le système immunitaire. À l’inverse, une perturbation du rythme affecte le système musculo-squelettique.
Et quand on sait que ce système est impliqué dans la locomotion, l’alimentation et la qualité du sommeil, on comprend l’intérêt d’en prendre soin.
Voilà pourquoi une intervention sur cet aspect peut être utilisée pour une approche préventive innovante qui passerait par :
-
des rythmes de travail réguliers ;
-
des temps d’activités physiques adaptés ;
-
une organisation du travail régulée sur les variations circadiennes;
-
des pauses sur les périodes où le corps est plus vulnérable.
Nos exemples de bonnes pratiques ergonomiques
Exercices et conseils pratiques pour améliorer la posture au quotidien
Donner des conseils PEP’S pour bouger au travail, on adore ! 🤸🏻
D’ailleurs, on vous offre avec plaisir notre affiche PEP’S disponible dans notre article dédié à faire bouger vos salariés.
Avant de choisir un exercice ou une activité à intégrer dans votre planning d’entreprise, interrogez-vous quand même sur :
👉🏻 l’implication de vos salariés et leur source de motivation, car on ne propose pas un défi à quelqu’un qui a horreur de l’esprit de compétition ;
👉🏻 votre organisation interne, car vous devez adapter votre activité à la disposition de vos locaux, tout comme à la taille de votre équipe ;
👉🏻 le niveau de cohésion de votre groupe, pour éviter la proximité si elle est mal venue, par exemple.
L’importance des pauses actives au travail
Les pauses actives au travail ne sont pas juste là pour amuser la galerie !
Voici trois bonnes raisons de les mettre en place :
✔️ Pour faire plaisir à l’OMS qui demande aux entreprises d’augmenter le niveau d’activité physique au travail ;
✔️ Pour améliorer la qualité de vie en entreprise, car bouger c’est bon pour le corps et l’esprit ;
✔️ Pour lutter contre la sédentarité, à votre niveau.
Des outils PEP’S pour vos besoins spécifiques
En plus des affiches préventives ou des nombreux articles de blog, l’équipe de la Minute PEP’S propose des solutions aux entreprises :
– un atelier QVCT pour vos journées santé et sécurité ;
– un programme personnalisé de prévention sur 5 semaines ;
– une sensibilisation collective aux TMS pour devenir acteur de sa santé ;
– une visite sur site ;
– des ateliers de réveil musculaire pour bien démarrer la journée ;
– et tout autre moyen PEP’S sur mesure dont vous avez besoin.
On en parle ? 🤩
Conclusion
Vous comprenez maintenant que l’ergonomie au bureau représente une ressource importante pour la prévention des TMS. Pour autant, il convient d’aborder la question préventive dans une approche globale pluridisciplinaire pour garantir une santé optimale au travail. Des risques psychosociaux aux risques physiques, travaillez cette problématique des TMS dans son ensemble pour être réellement impactant dans votre démarche. Car ce qui compte, c’est bien d’améliorer le bien-être des salariés tout en préservant la performance de l’entreprise et ça passe par l’action 🤸🏻
Et rappelez-vous « Si vous écoutez votre corps lorsqu’il vous chuchote, vous n’aurez plus à l’entendre crier ».
Sources
¹ https://ergonomie-self.org/wp-content/uploads/2021/04/congrs-2001-acte-5.pdf
Contactez La Minute PEP'S
Anne-Hélène GOUALOU
Conceptrice de La Minute PEP'S et de son réseau de kinésithérapeutes, j'ai à cœur de vous partager notre vision de la prévention des Troubles Musculo-Squelettiques.